Ajoutez un logo, un bouton, des réseaux sociaux
Jean Goguel, ancien élève de l’École polytechnique et de l’École des mines de Paris, fut une grande figure de la Géologie et de la Géologie de l’Ingénieur. Expert dans de nombreux domaines : cartographie géologique, risques naturels et mouvements de versants tout spécialement, géologie et géomécanique des barrages et des tunnels, géophysique, géothermie, il fut aussi le premier président du CFGI : Comité Français de Géologie de l’Ingénieur et de l’Environnement.
Jean Goguel se rattache à la lignée de ces ingénieurs des Mines qui, aux siècles passés, ont joué un rôle de premier plan dans le développement des sciences géologiques. Il sut en particulier défendre l’importance de la cartographie géologique de terrain pour le progrès de la géologie. Il exerçait avec passion son métier de géologue, d’ingénieur et de professeur.
Ingénieur du Corps des Mines, il est ingénieur en chef en 1942, ingénieur général en 1959. À sa sortie de l’École des mines en1931 il est affecté au service de la Carte géologique de la France. Il en devient le directeur adjoint en 1940, puis le directeur en 1953. Parallèlement il était devenu directeur adjoint du Bureau de Recherches Géologiques et Géophysiques (BRGG), organisme préfigurant l’actuel BRGM, depuis sa création en 1941 jusqu'en 1952. À la fusion du service de la Carte géologique avec le BRGM en 1968 il est nommé vice-président de cet organisme, chargé de l’inspection générale de la Carte géologique ; et jusqu'à sa mort il est resté conseiller scientifique au BRGM, chargé de la géophysique.
Docteur ès sciences dès 1937, il enseigne à l’École des mines de Paris successivement la topographie de 1933 à 1944, la paléontologie de 1944 à 1957, la géologie générale de 1958 à 1968, 1a géodynamique interne et externe ainsi que la déformation des roches de 1968 à 1983 ; à l’École des ponts et chaussées la géologie appliquée de 1941 à 1955 ; à l’École du génie rural la géologie appliquée de 1951 à 1958 ; à l’université la géodynamique interne à partir de 1956, puis la géothermie jusqu’à sa mort.
Il a présidé la Société géologique de France en 1951, l’European Association of Exploration Geophysicists en 1952, le Comité technique de géophysique de l’ORSTOM de 1964 à 1980, la Commission de géologie-paléontologie du CNRS de 1968 à 1971, le Comité national français de géodésie et géophysique de 1978 à 1982, le Comité technique de géothermie de la DGRST de 1974 à 1980, puis le nouveau Comité de géothermie de l’AFME depuis 1982, le Groupe de travail sur les critères de choix des sites de stockage des déchets radioactifs à vie longue depuis 1985. Il était membre du Conseil scientifique de la sûreté nucléaire depuis 1982. Il était encore membre correspondant du Bureau des longitudes, associé étranger de la National Academy of Sciences, Washington, de la Société géologique de Londres, de l’US Geological Society, de l'American Academy of Arts and Sciences, Boston.
Tout au long de sa carrière, Jean Goguel reçut de nombreuses distinctions : prix et médailles. Il publia de nombreux ouvrages scientifiques. Quelques uns de ses ouvrages sont empreints d’une réflexion philosophique sur la place de l’homme dans l’univers. Son œuvre scientifique proprement dite est très importante : environ 350 titres dont une douzaine d’ouvrages.
Jean Goguel avait l’habitude de se définir comme un géologue. C’était d’abord un homme de terrain et un cartographe. Il a levé des surfaces considérables, notamment dans Alpes, avec le souci de représenter au mieux les intersections des surfaces limites entre formations géologiques avec la surface topographique, pour ainsi rendre compte de la structure des roches en profondeur. À partir de la cartographie dans les chaînes subalpines du Sud-Est de la France, Jean Goguel développe ses idées en tectonique. Après avoir analysé finement les déformations géométriques visualisées par de nombreuses coupes géologiques et blocs-diagrammes et consignées pour une part dans sa thèse, il s’attaqua au problème de l’interprétation mécanique des déformations tectoniques, aboutissant en 1942 à la publication d’un important mémoire : « Introduction à l’étude mécanique des déformations de la roche terrestre », réédité en 1949.
En 1941, ses responsabilités au sein du BRGG amènent Jean Goguel à suivre des campagnes géophysiques, particulièrement de gravimétrie. Ces campagnes étaient essentiellement axées sur des problèmes de prospection, au départ de potasse ; permettant d’appréhender la profondeur des bassins sédimentaires, elles ont surtout servi aux pétroliers. Mais c’est pour Jean Goguel l’occasion de préciser toute une série d’interactions fécondes entre gravimétrie et tectonique. Le traité de tectonique dont la première édition paraît en 1952, ultérieurement traduite en anglais et en russe, représente une première synthèse de ses idées, qui ont continué à se développer par la suite. Jean Goguel a renouvelé les méthodes d’interprétation en tectonique, tout spécialement en prenant en compte les caractéristiques des champs de contraintes ainsi que l’influence très importante de l’eau dans les terrains, suivant en cela les approches de Karl Terzaghi en mécanique des sols.
En 1951, il commence à s’intéresser à la géothermie. Il deviendra rapidement une référence internationale dans ce domaine.
Fondamentaux, les travaux de Jean Goguel avaient toujours une finalité appliquée. Dans ce domaine de l’ingénierie il aura joué un rôle d’expert reconnu, qu’il s’agisse des problèmes posés par le creusement ou la stabilité de tunnels (tunnel sous la Manche, tunnel du Fréjus), l’édification de barrages ou l’analyse de glissements ou d’éboulements naturels. Il est notamment intervenu dans les commissions administratives d’enquête constituées après l’accident du barrage de Malpasset en 1959, l’effondrement du tunnel ferroviaire de Vierzy en 1972 et le glissement du port de Nice en 1979.
C’est donc tout naturellement que Jean Goguel joua un rôle majeur lors de la création en 1968 du CFGI : Comité Français de Géologie de l’Ingénieur, groupe français de l’AIGI : Association Internationale de Géologie de l’Ingénieur. L’association, régie par la loi du 1er Juillet 1901, fut déclarée d’utilité publique par décret du 2 mai 1977.
Il faut rappeler l’extrait d’un courrier signé du 30 Avril 1968 par Jean Goguel, l’un des membres fondateurs du CFGI, avec Marcel Arnould, Claude Bordet, Gérard Champetier de Ribes, Jacques Gazel, Jacques Lakshmanan et Claude Sivignon :
« Au cours de ces dernières années, et parallèlement à l’effort important d’aménagement et d’équipement du territoire, ainsi qu’au développement des infrastructures, la Géologie de l’Ingénieur a considérablement progressé en France, tant dans le domaine de ses applications que dans celui de ses méthodes, à un point tel qu’elle apparaît de plus en plus indispensable à tous les responsables de projets.
Le moment semble donc opportun de regrouper les spécialistes français de l’Engineering Geology en fondant, à côté du Comité Français de Mécanique des Roches (qui vient de se constituer), un Comité Français de Géologie de l’Ingénieur. C’est dans ce but que se sont réunis, à l’École des Mines de Paris, quelques géologues spécialistes sous la présidence de Monsieur Goguel, le 2 Avril 1968 ».
Un Conseil fut constitué, présidé par Jean Goguel de 1968 à 1972, avant que Marcel Arnould ne lui succède.
En 1982 Jean Goguel avait encore présidé la mission d’expertise pour l’évaluation des réserves disponibles à la Mine de Largentière (Ardèche). C’est Jean Goguel qui anima le groupe de travail sur la cartographie de l’aléa lié aux mouvements de terrain, qui aboutit au programme des cartes ZERMOS (zones exposées aux risques de mouvements du sol et du-sous-sol) lancé dans les années 80. Enfin sa connaissance des interactions complexes, mécaniques, thermiques et hydrauliques de l’écorce en profondeur le désignait tout naturellement pour apporter une contribution essentielle au délicat problème du stockage des déchets nucléaires. C’est ainsi qu’en 1985 le ministre du Redéploiement industriel et du Commerce extérieur lui demandait de présider le « groupe de travail sur les critères de choix des sites de stockage des déchets radioactifs à vie longue », groupe de travail qu’il a présidé jusqu’à sa mort.
Dans toutes ces circonstances, Jean Goguel s’est révélé un grand serviteur de l’État.
Le CFGI est très honoré d’avoir reçu l’accord de sa famille en 1997 pour créer le prix Jean Goguel, prix récompensant de jeunes professionnels ou chercheurs œuvrant dans le domaine de la Géologie de l’ingénieur et de l’environnement.
Nota : Ce texte a été rédigé en prenant appui sur l’hommage à Jean Goguel publié par Hubert Pélissonnier dans les Annales des Mines, avril-mai 1987 ainsi que sur l’ouvrage du CFGI : « Géologie de l’ingénieur : actualité et perspectives », 2018, Presses des Mines.